BIEN PARLER FRANÇAIS : RESPECT DE LA DICTION OU RESPECT DE LA GRAMMAIRE ?
BIEN
PARLER FRANÇAIS : RESPECT DE LA DICTION OU RESPECT DE LA GRAMMAIRE ?
Bien qu’étant africain, Congolais de naissance et de
nationalité (RDC), ma langue maternelle et celle que je parle et que j’emploie
très couramment est le français. Celui-ci ne surpasse nullement en cohérence ni
en vocabulaire certains dialectes et langues africains, mais est assez beau
pour qu’on lui consacre toute une Académie, histoire de la protéger. Par
ailleurs, ça fait toujours plaisir d’entendre quelqu’un qui converse
correctement dans la langue de Voltaire. Euh… Au fait, qu’est-ce donc,
correctement converser en français ?
1. Est-ce avoir une bonne diction ?
À n’en pas douter, de tous les pays d’Afrique noire, la
RDC peut être fière d’une population qui parle français sans accent local
prononcé, du moins pour ceux qui parlent français. Cela est plus visible à
Kinshasa et à Lubumbashi, surtout chez les filles. Il est véritablement des
gens dans ce bled qui s’expriment si correctement qu’on croirait avoir en face
de soi un natif de Nanterre ou de la Villette. D’autres même en font quelque
peu trop, notamment en adoptant des troncatures suspectes des mots et des airs
maniérés de faux snob.
Parler comme un Français de l’Île-de-France fait plaisir
à entendre, certes. Toutefois, il se pose deux questions essentielles. Tout
d’abord, on est en droit de se demander ce qu’avoir une bonne diction du
français. Est-ce la diction du journaliste de France 24 ou plutôt celle du
banlieusard d’un HLM de Lyon ? Est-ce parler comme un Marseillais ou
plutôt comme un Québécois ou un Wallon pur et dur ? Ensuite, à mon sens,
une bonne diction du français perd de toute sa substance si le locuteur s’érige
en champion de fautes grammaticales. C’est que son discours aura l’apparence
d’un tableau de Renoir parsemé de trous disgracieux…
2. Est-ce respecter les règles grammaticales ?
La célébrissime série comique burkinabé Bobodiouf ou encore le show ivoirien non moins culte Ma famille montre à suffisance l’accent prononcé qui teinte le français des
Ouest-Africains. Au-delà des scènes burlesques qui y foisonnent, tentez de vous
penchez sur la forme des phrases. Il est vrai que les articles sont très
souvent masqués (par effet de style ou par humour), mais en globalité, les tournures
grammaticales s’avèrent très correctes. Essayez d’écouter un ministre togolais,
sénégalais, voire canadien, et un ministre congolais de la RDC. Je ne dis pas
que nos ministres commettent des fautes à tout bout de locution. Je veux
simplement dire que la limpidité, la structure syntaxique et le respect des
accords se présentent plus fréquents et plus remarquables chez nos amis du côté
occidental d’Afrique ou du Canada. Et quasiment tout ce monde dont je viens de
parler, contrairement à mes compatriotes rdciens, parlent un français
caractéristique.
Parler sans commettre de fautes ou en commettant peu de
fautes constitue un atout non négligeable dans les communications. Cependant,
lorsque l’accent régional est trop prononcé, la compréhension du discours
devient de plus en plus restreinte, cantonné en fait à la contrée dans laquelle
ledit accent règne. C’est qu’il ne s’avère pas toujours aisé d’écouter et
d’entendre parfaitement ce que dit un Canadien digne de ce nom quand il parle
français. De même pour un Malien étant né et ayant grandi dans son dialecte,
qui peut certes maîtriser la grammaire, mais qui peine à se faire comprendre.
C’est alors qu’il convient de s’inventer un standard, tant dans la
prononciation que dans la syntaxe et dans les règles grammaticales. De nos
jours, les linguistes s’accordent à dire que ledit standard est le français
parisien, courant dans les milieux aisés et moyens de l’Île-de-France et parlé
dans le monde journalistique de référence comme TF1 ou RFI. Ceci est alors une
réponse à la question précédemment posée de savoir quelle est la diction de
rigueur (même si cette réponse est toute subjective).
En somme, parler français dans le respect des
recommandations des ouvrages de Maurice Grevisse, mais avec un accent qui rende
la compréhension malaisée, s’apparente à un vase harmonieux dans ses formes,
mais peu soigné dans sa présentation, vu ses couleurs trop ternes ou mal
assorties.
3. Conclusion
L’idéal, que beaucoup de gens atteignent
quotidiennement, est de parler français en alliant bonne diction à respect de
la grammaire. À défaut, et cela constitue la grande majorité des cas, j’estime,
et cela n’engage que moi, qu’il convient de préférer le respect de la grammaire
à une diction parfaite. En effet, alors que chaque coin de la planète a sa
diction du français et que ce n’est que par pure fantaisie qu’on admet que la
diction parisienne est la meilleure[1], la grammaire, en revanche, demeure statique (ou du moins évolue
lentement), connue et quasiment codifiée. Tout francophone ou francophile doit
s’y conformer. En d’autres termes, les critères de diction semblent plus
subjectifs que les critères de respect de grammaire.
[1] Si on devait s’en tenir à des critères purement
objectifs, la diction de référence serait celle du Canadien québécois, qui a
assez bien conservé les intonations et les tournures des Français du 16e
S. Ici, la langue n’a pas été trop altérée au fil du temps, contrairement au
français de France qui a subi de multiples influences et qui, de facto, a perdu
de sa naturalité. Avis personnel à discuter, bien entendu…