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26 avril 2008

DÉPENSES SOMPTUAIRES EN PURE PERTE

DÉPENSES SOMPTUAIRES EN PURE PERTE

1. À la réussite à l’examen d’État

Super-Lemba, Kinshasa. Transportée de joie et par ses camarades, Olga vient de réussir à l’examen d’État. Toute surexcitée, elle est fière de ses… 50 %... Avoir eu pareil résultat s’avère miraculeux pour la jeune fille qui – nul ne l’ignore dans le quartier – a obtenu une moyenne des points scolaires… en dessous de la moyenne. Voilà pourquoi Olga se croit dans un conte de fées terminant en excellent happy end.
La tête couverte par toutes sortes de poussières de couleur blanche, comestibles ou cosmétiques, la fille de 19 ans est escortée d’une vingtaine d’individus. Le cortège dément roule à tombeau ouvert, le code de la route étant parfaitement non respecté. Heureusement que les « roulages », tout repus de leurs rackets en plein jour, ne sont pas dans les parages.
Au lieu de destination, la grille déjà mal en point subit des coups frénétiques et tonitruants à faire céder ses gonds fortement rongés par la rouille (qui ne lâchent pas, Dieu merci). Des filles hystériques, camarades, sœurs et autres tantines d’Olga, accourent de la parcelle, gonflant encore cette foule que la moindre étincelle peut faire sauter. À ce bruit assourdissant (c’est un euphémisme) s’ajoute une musique braillarde sortant de deux haut-parleurs monumentaux.
Quelques heures plus tard, plus de cinq casiers de Skol et trois de Primus ont été consommés. Mais cela ne suffit pas à satisfaire l’envie de s’éclater de cette jeunesse fêtarde. Vers 23 h, Olga et sa suite ripailleuse se rendent en boîte. On picole de nouveau les sens sont mis en éveil. Toute la nuit s’entretiennent libations et autres orgies du genre.
Olga se réveille à 13 heures. Elle se demande par quelle voie elle se retrouve dans sa chambre. Elle est tout autant surprise de constater avec dégoût qu’elle a dégorgé sans retenue de grandes quantités d’alcool non seulement sur elle-même, mais surtout par terre où s’étend une gigantesque flaque. Je vous épargne des commentaires sur l’odeur ambiante… Honteuse et confuse, notre fille de 19 ans, dans sa gueule de bois, commence à s’interroger sur le fait de savoir si toutes ces réjouissances valaient vraiment la peine.
Olga a bien raison de se poser une telle question. En effet, calculatrice en main et devis de boisson sur la table, quiconque de sensé se sentira consterné en réalisant que tout compte fait, les dépenses s’élèvent à plus de 300 $ ! Et lorsqu’on sait qu’Olga désire s’inscrire à un institut supérieur, on peut juger de son inconscience notoire. C’est que notre finaliste du secondaire vit dans une famille modeste qui a dû s’emprunter chez le voisin d’en face et chez un oncle pour réunir la somme. Avec 300 balles, les frais de scolarité de la première année, ainsi que certains frais d’inscription, peuvent être couverts… Si je vous racontais qu’Olga trima 24 longs mois pour s’inscrire à l’ISC (Institut Supérieur de Commerce), me croirez-vous ?...

2. À la collation

Ernest termine ses études de Droit avec brio. Sa deuxième session se déroula dans le meilleur des mondes et sa défense de mémoire fut un exploit de rhétorique. Et tout naturellement, Ernest distingua… Certes, il n’est pas de la (digne ?) lignée d’un prof, encore moins l’un de ses garçons de course comme son camarade le CP, mais il distingua malgré tout. Il convenait de fêter l’heureux événement comme il se devait. Ainsi, la famille d’Ernest ne lésina pas dans les thunes. La réputée et l’on ne peut plus fréquentée salle l’Apocalypse fut louée. Un repas princier et des boissons capiteuses furent allégrement servis. Sur l’heure, nul ne se plaignit de quelque chose. Ce n’est que quelques jours plus tard que le pater familias constata, les yeux écarquillés, que la caisse familiale sonnait creux.
Ernest ainsi que son paternel avaient probablement perdu de vue qu’ils ne détenaient pas les clés du coffre de la BCC. Ils avaient tout autant oublié superbement que trouver un emploi, même précaire, à Kinshasa, demande de déployer des efforts tant physiques que… pécuniaires ! Notre finaliste était certes de constitution physique enviable, fort de ses 80 kg de muscles et de ses 1 m 85. Mais ses poches et celles de sa famille souffraient à présent d’un marasme profond. Dieu merci, plaie d’argent n’est pas mortelle, à ce qu’on dit…
Quand on est une famille aux revenus moyens en RDC, on sort rarement financièrement indemne après avoir engagé des dépenses de somptuosité manifeste. Deux milles balles pour une fête de collation, c’est pas peu…

3. Aux mariages religieux

Pour prouver à la face du monde qu’il est véritablement « capable », Charles vient d’offrir à sa dulcinée une de ces noces les plus pompeuses. Pas moins de 700 invités furent de la partie, de 20 h au petit matin, au Grand Hôtel. De la bouffe et des rafraichissements, il y en avait à se servir au moins cinq fois ! Se succédèrent presque sans interruption des orchestres, histoire d’égayer comme il fallait tous ces illustres invités. Tout le monde trouva son compte en cette soirée mémorable.
Mais toute cette ambiance paradisiaque vira trois jours plus tard au cauchemar lorsqu’il fut question de dresser l’état des comptes. L’escarcelle de cette nouvelle et plus que restreinte famille ne contenait que juste de quoi se payer… une simple veste ! En conséquence, au lendemain de ces festivités fastissimes, une misère couleur charbon menaçait le jeune couple.
Ne voilà-t-il pas un parfait exemple de la bêtise africaine en général et congolaise en particulier, celle de vivre l’instant présent comme si les aléas de l’avenir n’étaient que mythes ? Au lieu de se prendre pour un émir argenté, ne valait-il pas mieux réserver toutes les sommes dépensées (ou du moins une bonne partie desdites sommes) à l’édification utile de ce nouveau foyer ? Encore que, de peur de m’attirer les foudres de quelque oncle qui tomberait sur mon blog, je ne vous narre pas le nombre de chèvres et de casiers déposés à la dot…
Au demeurant, le couple Charles fut dans l’extrême et inconvenante obligation de vendre certains cadeaux reçus à la soirée et d’en troquer quelques autres, histoire de tenir le coup un mois ou deux…

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